Le vieux lutteur

Édito du 22 septembre 2016

 Le vieux lutteur 

 

Lors des JMJ, cet été à Cracovie, nous rencontrions sans cesse Jean-Paul II... Des statues de toutes tailles, des dessins de toutes sortes sur des drapeaux, des tramways, des bus, des trains… Il était partout présent, à ce point que je me demandais si çà n’était pas trop pour les jeunes pour lesquels le pape c’est «  Francesco » !

Après la visite de sa maison natale à Wadowice et celle de l’église voisine où il fut baptisé, je me demandais quelle image je gardais et garderais de ce grand Pape. Á l’évidence, ce n’était pas celle   pourtant très belle, du « grand sportif de Dieu » selon la belle expression du Cardinal Marty lors de sa première visite en France, mais celle du vieux lutteur tel que nous l’avons reçu en 1996 en Vendée : lutteur sans violence, libre devant tous les pouvoirs, épuisé mais tellement présent. Sous l’enveloppe fragile d’un corps qui peinait et qui souffrait nous avions deviné la jeunesse d’un cœur et la liberté d’une parole qui vient, c’est bien évident, de plus loin que lui ; parole dont le monde a tellement besoin.

Et me revenait en mémoire ce qu’Olivier Clément dit du visage des saints (1):

« Avec l’âge, une autre beauté peut éclairer un visage, une beauté façonnée du dedans, montée du cœur, lustrée de son soleil secret, accordée à la parole et au regard. Cette beauté faite de patience, de confiance, d’humble service, transfigure même les rides qui ne sont plus signes de déclin et de mort, mais craquelures de la chrysalide qui s’entrouvre… »

« La sainteté anticipe la glorification ultime. La vie éternelle commence dès maintenant. La lumière ne nous vient plus « du dehors » comme une fulguration insupportable, mais de la profondeur même de notre corps greffé à celui du Christ, devenu avec lui ‘ une unique plante ‘… »

« Le regard est pénétré de cette ‘douloureuse joie’, de cette ‘ bienheureuse tristesse’ dont parlent les spirituels, larmes versées de lumière, mêlées d’une sorte de sourire, quand ‘la mémoire de la mort’ s’inverse en mémoire de Dieu’… »

« Celui dont le regard est doux sera pardonné. Ce regard qui voit l’invisible est le seul qui sache accueillir… »

Il « nous aide à lutter contre le massacre quotidien de l’amour où chacun est l’iconoclaste de l’image de Dieu chez son frère… »

Voilà de quoi retrouver la joie de l’humble fierté de devenir chaque jour les baptisés que nous sommes.

 

                                                                                                                                                 + François Garnier

           Archevêque de Cambrai

 

(1)Olivier Clément, Le Visage intérieur,stock1978,p.24,45,55,65

 

 

Article publié par Cathocambrai • Publié le Vendredi 30 septembre 2016 • 1724 visites

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